Togo : des transformatrices de soja désemparées

Les carences hydriques très remarquées de la saison agricole 2020-2021 dans la région des Savanes ont eu des répercussions négatives, non seulement sur les récoltes des produits agricoles, mais aussi sur les traditionnelles transformatrices de soja graine. Tout comme les céréales, la récolte de la légumineuse s’est considérablement rétrécie en raison de la sécheresse enregistrée en pleine saison culturale, provoquant un manque à gagner certain chez les petites transformatrices de la matière.

Decembre 22, 2021 - 08:58
Decembre 22, 2021 - 10:04
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Togo : des transformatrices de soja désemparées
Petite transformatrice de soja en fromage

Depuis une quinzaine d’années, la transformation du soja a pris de l’ampleur lorsqu’on se réfère à divers produits locaux qui en sont issus, entre autres : beignets, farine enrichie, moutarde, fromage, lait, huile, … A côté des petites et moyennes entreprises transformatrices en quantités importantes des produits précités, l’on note la présence des femmes qui font de la graine de soja de petites Activités génératrices de revenus (AGR) qui les soulagent dans la gestion quotidienne de leurs familles. Mais ces dernières devront faire avec les conditionnalités du moment pour l’achat du soja devenu plus cher, parce qu’il est plutôt mieux acheté par les agrégateurs et les exportateurs qui sont devenus les "clients préférés" des producteurs qui disposent de ce qu’ils ont pu récolter, malgré la sévérité du climat.

 

Des prix inattendus qui compliquent la situation des petites transformatrices

 Le prix du soja s’est élevé pour les petites transformatrices qui ne peuvent plus acquérir les graines du produit vendues désormais à 375 F CFA (0,58 euro) le kilogramme, alors qu’elles se l’achetaient entre 400 et 500 F CFA (0,61 et 0,71 euro) le bol de trois kilogrammes. Ainsi, les conditions actuelles d’achat du soja ont entrainé une certaine pénurie sur le marché ; les agrégateurs s’approvisionnant directement auprès des producteurs qui se voient dans ce cas, mieux lotis.

 Les revendeuses, elles, peinent à retrouver les graines de soja sur le marché. « Nous n’en trouvons plus dans les villages, les producteurs préférant vendre à ceux qui achètent au kilogramme, et en plus de la rareté des autres produits comme les céréales, je me demande si je pourrai continuer à subvenir aux besoins de ma famille comme la scolarité des enfants, les soins de santé, etc. », se lamente Larba, revendeuse de céréales et légumineuses au marché de Dapaong (région des Savanes, Nord-Togo).

 La donne a donc changé, et les transformatrices du soja sont confrontées à un ralentissement, voire un arrêt de leurs activités quotidiennes. « Je pouvais gagner jusqu’à 700F avec un bol de soja, mais depuis une semaine, il n’y en pas sur le marché ; je suis obligée de vendre seulement les boules d’akassa que mes clients préfèrent consommer avec le fromage à base de soja. Dans l’incapacité de fournir du fromage à mes clients, mes boules d’akassa se vendent maintenant difficilement », explique Kalanféi, un autre commerçant qui affirme que « cela porte un coup dur aux moyens de subsistance dans les ménages ».

 

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Les femmes espèrent, malgré tout

 Dans certains villages où les petites transformatrices ont encore accès à quelques kilogrammes de soja graine, certaines d’entre elles continuent de produire de la moutarde ou du fromage, même si elles n’ont pratiquement pas de bénéfices. Ladi, vendeuse de fromage au marché de Naki-ouest (préfecture de Tône), explique qu’elle veut de cette façon « éviter de perdre » ses clients, raison pour laquelle elle s’ingénie à les conserver, parce qu’elle pense qu’une « solution pourrait être trouvée bientôt ».

 

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Les femmes de la coopérative "Dakalfaam" chargée de la transformation du soja réunis au sein de l’Union des coopératives de femmes agricultrices de Dapaong (UCOFAD) quant à elles, n’ont pas connu de perturbation dans leurs activités. A l’origine, ces femmes transformaient le soja produit par les agricultrices de l’union. Toutefois, pour faire face à la conjoncture actuelle, ces femmes ne manquent pas d’effectuer des achats au kilogramme (comme partout en ce moment) dans les villages environnants. Mais il est possible que l’augmentation sans cesse du prix du soja freine les activités à plus de cinq cent femmes de l’UCOFAD, constituée en 2017.

 

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Aujourd’hui, les membres de l’Union n’ont plus tellement accès au soja, et doivent donc se contenter de la transformation des graines du néré qui se raréfient également sur le marché. « Avec un bol de graines de néré, nous obtenons un bénéfice de 500 F CFA tandis que la même mesure de soja nous rapporte 1 500 F CFA (2,3 euros) de bénéfice », affirme madame Yendare, présidente de la coopérative "Monyib".

 Les femmes de la coopérative ont ainsi trouvé une alternative momentanée, dans le cadre de leurs activités de production de la moutarde.

 La production et la vente du fromage de soja constitue une importante activité génératrice de revenus pour plusieurs femmes sur toute l’étendue du territoire togolais, aussi bien dans les zones urbaines que rurales.

Adillah ALI Agroéconomiste, spécialisée en Management des entreprises agricoles