Engrais : décrue des prix et indisponibilité sur le marché international
Après la flambée du début de l'année 2022, les prix des engrais sont en baisse, tout en se maintenant à des niveaux historiquement élevés. La décrue des prix s'explique en partie par la faiblesse de la demande, les agriculteurs ayant réduit les apports de fertilisants, faute d’un accès suffisant et à un coût abordable à ces intrants. Le secteur est également touché par des tensions au niveau de l’offre, liées notamment à une crise de la production en Europe, aux ruptures d’approvisionnement dues aux sanctions économiques contre la Russie et le Bélarus et aux restrictions commerciales imposées par la Chine.
D’après des spécialistes, les prix des engrais ont perdu les deux tiers de leur valeur. Dans la grande famille des engrais, le phosphate et la potasse ne font que baisser depuis un an. La baisse enregistrée varierait en coût, entre cinq, dix ou quinze dollars chaque semaine ; ce qui fait croire que "les différents intrants ont globalement perdu les deux tiers de leur valeur".
La potasse qui était à 1 000 dollars la tonne en vaut 350 (coût et fret pour une livraison en Inde), et bientôt peut-être 300, car les canadiens viennent d’acter une vente à 307 dollars, ce qui devrait pousser les autres vendeurs à s’aligner. Les prix sont si bas qu’en Chine où des usines qui ne sont plus rentables ont dû suspendre leur activité.
L’urée, cet engrais dont les plantes ne peuvent pas se passer a aussi a baissé, mais de manière moins linéaire.
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Une demande en chute dans l’espoir de prix encore plus bas
Cette tendance de prix peut s’expliquer par la surestimation des sanctions contre la Russie. On l’a constaté depuis plusieurs mois, elles n’ont finalement pas freiné le commerce des engrais. EuroChem et PhosAgro, les deux géants russes de ce secteur, produisent à plein régime et continuent d’exporter.
Cette spirale négative des prix est aussi alimentée par la chute de la demande. Les importateurs misent sur des prix qui vont continuer à baisser et achètent le minimum nécessaire, ou parfois rien du tout.
Des importateurs privés africains hésitent également à acheter, de peur d’être mis en concurrence avec un bateau d’engrais offert par une institution ou un pays. Un cadeau qui fait s’effondrer momentanément les prix sur le marché local.
Des opportunités pour les pays africains
Le continent africain qui a durement souffert depuis un an et demi de la flambée du prix des engrais, pourrait en théorie tirer bénéfice du contexte actuel, à condition que les pays soient réactifs. Car à part quelques exceptions, rares sont ceux qui anticipent et achètent en dehors des périodes habituelles de commandes, même si le marché leur est favorable. Faute d’être bien informés, de nombreux pays ne réagissent par ailleurs souvent pas assez vite quand les prix remontent.
Le prix des engrais flambe et les agriculteurs doivent pouvoir fertiliser leurs champs en cette période de cultures. Au début de ce mois de juin 2023, la Banque mondiale a décidé d’allouer 1,5 milliard de dollars d’ici 2024, pour soutenir le secteur agricole dans les pays d’Afrique de l’Ouest. Cet appui financier devra servir à renforcer le secteur des engrais en matière de politique de développement et de production d’engrais verts. L’aide prévoit de tripler notamment la consommation d’engrais et de doubler la production agricole dans la sous-région ouest-africaine à l’horizon 2035.
Selon les données du Centre international pour le développement des engrais (IFDC), en 2020, l’utilisation annuelle d’engrais en Afrique de l’Ouest s’élevait à un peu plus de 3,7 millions de tonnes.
Quelles disponibilités mondiales en engrais minéraux en 2023 ?
Avec la guerre en Ukraine, les inconnues restent nombreuses sur l'offre mondiale 2023 en engrais minéraux, entre prix européens du gaz, possibilités russes et biélorusses à l'export, ou encore restrictions chinoises. L'International fertilizer association (IFA), a modélisé différents scénarios d’offre mondiale en engrais, soumis à des facteurs géopolitiques, économiques et logistiques. Avec cette prémisse : « de nombreuses juridictions ont clarifié le fait que les sanctions sur l’économie russe ne doivent pas avoir d’impact sur les engrais », si bien que les engrais russes devraient circuler plus facilement en 2023 qu’en 2022.