Togo-Agroforesterie : la Capas redonne l’espoir aux agriculteurs dans les Savanes
La région des Savanes souffre incontestablement de la sécheresse, résultant du changement climatique. L'utilisation très répandue du bois de chauffage pour la cuisine, la pauvreté rurale, la gestion inadéquate des forêts, les mauvaises pratiques agricoles marquées par des défrichages sur des parcelles cultivables, sont quelques-uns des facteurs favorisant le déboisement qui rend vulnérable l’agriculture dans la région. Les sols sont bien dégradés du fait de leur surexploitation par des populations essentiellement agricoles. Dans ce contexte incertain, l’Organisation non-gouvernementale "Cellule d’Appui aux Producteurs Agricoles des Savanes (Capas)" a initié et lancé depuis 2018, l’« Opération tempête d’arbres sur le Kpendjal-Ouest, vision 2025 ». Pour, "arrêter l’appauvrissement des sols pour le bonheur des agriculteurs, refaire les surfaces de forêts perdues et améliorer le climat", indique Kolani Bebalique Gangak à Nzaranews.
"Nous avons introduit l’agroforesterie et avec la légumineuse, le Senna ciamea. Et pour permettre aux foyers de continuer à exploiter aisément leurs surfaces cultivables, nous avons opté pour un schéma de plantation très simple ; 4 mètres entre plants, 12 mètres entre ligne ; ce qui fait un total de 204 plants à l’hectare", fait savoir Kolani Gangak, directeur exécutif de la Capas qui souligne que "le reboisement a été retenu comme une solution évidente pouvant répondre aux besoins des sols, entendu que la promotion et le soutien de l’agroforesterie seraient plutôt efficace et durable, en ce sens qu’elle permet de répondre aux problèmes d’ordre écologique, agronomique et économique".
Les actions menées sur l’agroforesterie par la « Cellule d’Appui aux Producteurs Agricoles » dans l’Est de la région des Savanes, ont permis aux agriculteurs d’adopter l’association des cultures et des arbres ou cultures vivrières en couloirs, à base du Senna ciamea comme modèle de production dans la préfecture de Kpendjal-Ouest. "Cette stratégie atténue les effets du déboisement, augmente la fertilité du sol et procure des revenus supplémentaires aux collectivités rurales pauvres", précise l’agro-écologiste.
Des actions remarquables
La pratique agroforesterie continue de faire ses preuves dans le canton d’Ogaro (Kpendjal-Ouest), où le nombre de producteurs agricoles ne cessent de solliciter l’appui de la Capas pour la réalisation de ce type de reboisement qui fait son chemin, d’année en année. Et pour satisfaire les nombreux demandeurs, « la ferme école agroécologique Jéricho » de Capas sise à Bombengou, produit des jeunes plants pour les opérations de reboisement, avec la participation des résidents.
"La contribution des populations est de veiller à ce qu’un feu quelconque ne se propage pour causer des dégâts. Ils le font avec enthousiasme et arrivent aussi à préserver certaines essences médicinales en voie de disparition", spécifie Kolani Gangak.
L’agroforesterie facteur de cohésion sociale
La pratique est bien appréciée dans le milieu parce qu’elle ne rencontre aucun obstacle foncier. "C’est aussi un facteur de cohésion sociale, dans la mesure où les champs sont contigus et continus ; si bien que lorsqu’un feu se déclenche spontanément, tous les habitants participent au plus vite à son extinction, conscients que les feux de forêt ne connaissent pas de limites des parcelles », explique le responsable de la Capas qui retient que "c’est le même instinct qui prévaut lorsque des animaux en divagations attaquent le champ d’un des habitants. Lamboni par exemple va se dire si je reste insensible, rien ne prouve que les animaux ne vont pas atteindre mon champ. La population s’organise elle-même pour la surveillance des champs".
Pas l’un sans l’autre !
Dans la région de Kpendjal-Ouest aujourd’hui, la Capas a réussi à reboiser au moins 875 hectares dont la grande partie se trouve dans le canton de Ogaro ; "l’action s’est étendue jusqu’au canton de Borgou, parce que le chef de ladite localité estime que le site de production des plants se trouvant dans son village, il n’y a pas de raison de ne pas exercer la même pratique chez lui (Ogaro)". Et il a eu gain de cause !
Les succès enregistrés conduisent à de très nombreuses sollicitations. La Capas a dû reboiser en technique de cultures en couloir, 97 hectares suivant le schéma approprié avec 19.400 jeunes plants constitués de Senna ciamea dans les villages de Kouampante et Bombengou dans le canton de Borgou, Kpempigou et Tambimongue dans le canton d’Ogaro et le village de Nataré dans le canton de Pana. D’autres attendent.
Ainsi l’Ong Capas a dû installer courant 2023, 125 hectares de plants supplémentaires en agroforesterie dans les villages voisins de Bombengou (Borgou), grâce à l’appui financier du Fonds mondial pour l’environnement. Pour Kolani Gangak, "Bombengou, village agroécologique est devenu un site de référence dans l’agroforesterie, à cause du grand intérêt que les populations portent à cette pratique qui contribue à restaurer la fertilité des sols de la région, diversifier la production, améliorer les niveaux de biodiversité et qui permet aussi de sauvegarder les forêts dans la région".
Les principales espèces vulgarisées pour la promotion de l’agroforesterie dans cette partie de la région des Savanes comprennent : Senna Ciamea, anacarde, tamarinier, kapokier, Baobab, néré, Flamboyant et karité.
D’énormes bienfaits
Les agriculteurs ont pu acquérir des compétences sur l’entretien des arbres et l’agroforesterie. Presque tous les foyers de villageois bénéficient des actions de la Capas, dont 60% sont des femmes qui s’occupent des activités agricoles et de la gestion des arbres. Les avis en disent long.
"Nous achetions le bois, mais nous n’allons plus loin aujourd’hui pour en rechercher. Nous savons aussi maintenant que les feuilles des arbres qui tombent au sol servent d’engrais et espérons que nos récoltes vont s’améliorer", se réjouissent plusieurs femmes de la coopérative « Nataman » à Bombengou.
Fira Dout, agriculteur à Ogaro, fait observer : "mes femmes vont collecter les bois secs qui tombent dans nos champs pour la cuisine. Je vois que l’agroforesterie leur évite de s’aventurer dans les réserves publiques".
"J’adresse un sincère merci aux responsables de la Capas grâce à qui nos arbres évoluent favorablement. Ils viennent les surveiller et nous donnent des conseils techniques, sans contrepartie. Nos champs commencent à donner déjà de bons résultats en fin de saison", affirme Bomboma Gountante, exploitant agricole.
Selon Kolani Bebalique Gangak, "il faut arriver à faire prévaloir dans les options et pratiques, un pastoralisme respectueux des principes écologiques pour une meilleure utilisation des ressources et la création d’un microclimat favorable à l’augmentation des rendements".
La Capas organise régulièrement des ateliers tournants en agroforesterie dans plusieurs villages et villes de la région des Savanes.