Togo : le Parc national de l’Oti-Kéran ne doit pas disparaitre, il faut réconcilier l’intérêt des riverains et celui de la nature

Le Ministère de l’environnement et des ressources forestières vient de prendre en main la sauvegarde du Parc national de l’Oti-Kéran pillée depuis presque 30 ans par les populations riveraines révoltées, et des braconniers autochtones, à l’avènement de la démocratie. Avec une obstination qui doit s’avérer payante…

Fevrier 14, 2022 - 12:01
Fevrier 16, 2022 - 16:25
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Togo : le Parc national de l’Oti-Kéran ne doit pas disparaitre, il faut réconcilier l’intérêt des riverains et celui de la nature
Parc national Oti-Kéran nzaranews

Réserve idéale autrefois pleine d’animaux sauvages, lieux de rendez-vous des touristes amoureux de ces espèces des forêts, le parc Oti-Kéran de 169 000 hectares n’est plus cette jolie perle des régions des Savanes togolaises et de la Kara (au Nord), dont l’harmonie et le charme étaient tant vantées. Il est réduit de nos jours à 69 000 hectares. Les populations riveraines et les braconniers s’étaient copieusement défoulées, abattant les animaux et s’installant sur ces terres qu’ils estimaient être leurs propriétés originelles. Laissé à l’abandon depuis, à cause de l’opposition d’une bonne parties des populations riveraines échaudée par les dures précédentes méthodes de gestion, la grande réserve animalière n’a cessé de se dégrader, par manque d’autorité : les animaux qui n’ont pas pu fuir ont été abattus, les forêts ont été pillées, les bâtiments qui abritaient les agents des eaux et forêts chargés de sécuriser les lieux s’effondrent petit à petit, les guérites qui servaient aux surveillants forestiers ont disparu. Les réserves de Naboulgou et de l’Oti autrefois verdoyantes, présentent un aspect hideux, un délabrement total. Les animaux sauvages n’y sont presque plus.

Déboisements, carbonisation, braconnages, construction anarchiques aux abords et en pleine réserve, pratiques agricoles et bien d’autres activités qui portent un coup dur aux avantages économiques et écologiques s’y poursuivent : tout concourt à accentuer les actes posés par la "révolution" née de la démocratie. Le parc national de l’Oti-Kéran est aujourd’hui menacé de disparition, victime des déprédations humaines.  

Restaurer, améliorer et réhabiliter l’image touristique des lieux

« Il est temps que la population comprenne la nécessité de préserver nos parcs nationaux », a lancé le ministre de l’environnement, en présence de représentants des populations et de délégations des ministères de la sécurité et de l’administration territoriale. Ce cri d’alarme que lance ministre Folly-Bazi Katari ne relève pas du catastrophisme. « Car la grande réserve peut se développer encore. Nous devons la restaurer, et nous estimons que cela n’est possible qu’avec les propositions des populations riveraines », souligne-t-il.  

Cette rencontre avec les différentes parties prenantes se voulait un cadre d’écoute et de concertation avec les leaders religieux, les femmes, les personnes âgées et bien d’autres acteurs concernés par la grande réserve Oti-Kéran pour trouver des approches de solutions. Le ministre de l’environnement a relevé que « l’Etat a déjà rétrocédé une bonne partie de ce parc d’une superficie de 169 000 hectares en 1990 qui se retrouve aujourd’hui avec seulement 69 000 ha ; donc c’est largement suffisant » estime-t-il, précisant qu’avec le reste, « on ne sera plus dans une logique de rétrocession, mais dans une logique de restauration du parc ». 

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Les attentes des populations riveraines

L’occasion a été belle pour les populations riveraines de formuler des doléances relatives à la gestion participative de ce patrimoine environnemental. « Il faut qu’on nous mette devant avec l'appui technique et financier de l’administration », souhaitent-elles. En clair, elles veulent une gestion concertée des écosystèmes forestiers et des terres que le gouvernement doit renforcer.

 La riche réserve Oti-Kéran a de tout temps suscité la convoitise. La liste des destructions est inépuisable. Les populations riveraines qui, depuis, ont considérablement augmenté ne cessent d’exploiter "illicitement"  les ressources de la forêt pour satisfaire leurs besoins croissant en terres cultivables. Aujourd’hui, les riverains sont estimés à environ 90 000.

Beaucoup se plaignait à l’époque d’avant l’ère démocratique des répressions des forces de sécurité qui faisaient observer scrupuleusement les délimitations des aires protégées. Des résidents et leurs familles s’étaient enfuis de leurs localités, lorsqu’ils étaient recherchés, parce que suspectés d’intrusion illégale dans la faune pour braconnage. « Les forces de sécurité ont fait subir aux accusés ou aux indélicats les pires exactions qui s’apparentaient à une politique de terre brûlée : arrestations, tirs sans sommation, saccages systématiques des habitations », ont déclaré  des chefs coutumiers du milieu interrogés par Nzaranews.

D’autre part, des campements et des stocks d’animaux fumés avaient été par le passé razziés par des militaires qui avaient, eux-mêmes été pris pour cibles par des braconniers.

Il a été noté que du braconnage on était passé à un moment donné au banditisme, pratiqué de plus en plus ouvertement par des bandes armées, enhardies par la faiblesse des moyens mis en œuvre pour les contrer. Et donc, il fallait frapper fort les contrevenants. D’où l’installation sur place des militaires du régiment parachutiste commando (bérets rouges) pour maintenir l’ordre dans le parc Oti-Kéran.

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Une course à gagner

Aujourd’hui, le gouvernement a choisi « la voie de la sensibilisation et de mobilisation », et s’engage à « contribuer aux efforts  des populations riveraines » pour réussir le défi de la restauration de l’écosystème du parc national Oti-Kéran.     

Il reste à connaitre les contours des futures actions d’accompagnement du gouvernement qui se doit, en tout cas, de mettre en valeur ses engagements en faveur du bien-être des populations riveraines de la réserve Oti-Kéran.

Cette nouvelle donne renforcerait le caractère innovant de la faune togolaise. Avec un optimisme dans cette conclusion : les habitants, riverains des Aires protégées devraient dans leur ensemble être soutenus et suivis. Les communautés ont présenté des doléances en vue d’un « véritable accompagnement du gouvernement » pour les sortir de leur précarité qui les obligent à rechercher des solutions dans le parc Oti-Kéran.

Suite à la forte dégradation des ressources forestières, le Togo a entrepris une planification stratégique forestière dans une vision globale à l'horizon 2035 à travers trois (3) plans d'action forestiers nationaux (PAFN), notamment PAFN 1: 2011-2019; PAFN 2 : 2020-2027; PAFN 3: 2028-2035.

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La surface forestière totale du Togo est estimée à 386 000 ha soit 6,8% de la superficie nationale, avec un fort taux de déforestation annuel.

Jacques Sourou DOUTI Journaliste, Consultant en communication pour le développement | Directeur de publication de Nzaranews