Togo-Coton : crise de confiance entre les producteurs et « OLAM international »

La Nouvelle société cotonnière du Togo (Nsct) et la Fédération nationale des groupements de producteurs de coton (Fngpc) ne sont plus sur la même longueur d’onde. La première avait annoncé dans un communiqué de presse, le 03 juin 2024, une production cotonnière de 67 718 tonnes et un rendement de 844 kilogrammes à l'hectare pour la campagne 2023/2024, soit une hausse de 45% par rapport à la campagne précédente au Togo. D’après le même texte toutes les régions du pays ont amélioré leur performance, générant ainsi des revenus bruts dépassant les 20 milliards de FCFA. La Fngpc s’élève contre toutes ces affirmations et parle de "manipulation", lorsque la Société de coton a publié de "faux chiffres".

Juin 9, 2024 - 09:18
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Togo-Coton : crise de confiance entre les producteurs et « OLAM international »
Koussouwè Kouroufei, président de la Fngpc

Au cours d’une conférence de presse qu’il a animée le 08 juin 2024, Koussouwè Kouroufei, président de la Fngpc, a tenu à donner des précisions sur les revenus bruts aux cotonculteurs annoncés par la Nsct. "Les producteurs n’ont pas encore soldé les prix des intrants dans les paiements, la main d’œuvre, l'entretien des parcelles et autres... Si nous sortons tout cela des 20 milliards, le producteur n’a rien", a-t-il révélé.

Kouroufei, a contesté les allégations contenues dans le communiqué de presse de la Nsct, déclarant "c’est de faux calculs et chiffres annoncés, car nous avons produit du coton cette année sur 100 mille hectares sur toute l’étendue du Togo pour sortir un peu de 67 000 tonnes. Et quand on divise les 100 mille hectares sur les 67 mille tonnes, on est à 600 kg en moyenne à l’hectare".

« Olam international » pointé du doigt

Pour Koussouwè Kouroufei, "il faut que les autorités comprennent les réalités des difficultés rencontrées sur le terrain. Le groupe Olam International qui a le monopole de 60% de la production nationale, est à la fois acheteur et vendeur des graines de coton fibre ; les 40% restants peuvent être laissés aux autres fournisseurs et c’est encore Olam qui les vend. Ce n’est pas normalet le même Groupe par ses filiales rachète la fibre pour la revendre seul. Le miracle ne s’est pas produit. Atteindre 200 000 tonnes d'ici 2025 peut être un objectif ambitieux, mais je pense que nous ne pouvons pas dépasser les 100 000 tonnes d'ici cette échéance ; on ne veut plus d’Olam", a déclaré Kouroufei.

 La Fngpc a d’autre part, dénoncé l’abus de pouvoir qu’entretient leur principal partenaire. "Aujourd’hui, c’est le Groupe Olam International qui a l’exclusivité des acquisitions des intrants".  Les producteurs, eux, disent ne plus maîtriser le processus des marchés publics. Ils dévoilent que le Groupe Olam qui est toujours hostile aux réunions les impliquant, fait postuler ses sociétés filiales à qui il attribue les marchés. "Cette année 2024, c’est le Groupe Olam-Agri qui a vendu les engrais selon leurs normes sur le marché, et a également décidé systématiquement de passer le prix du Kg de la graine coton de 300 FCFA à 274 FCFA pour la nouvelle campagne cotonnière au Togo. Au même moment, l’engrais de 50 kg passe de 14 000 FCFA à 25 000 FCFA".

Appel à l’arbitrage du chef de l’État

Le président de la Fngpc en appelle au chef de l’État togolais, Faure Gnassingbé pour "régler pacifiquement le différend avec le groupe Olam", accusé entre autres de promesses non tenues, de rendements stagnants, de dettes inexpliquées attribuées aux cotonculteurs et de retards dans la distribution des intrants. Et puis, il y a une baisse significative de l’effectif des producteurs traduisant une démotivation des membres pour la production du coton. Au nombre de 153 000 au départ, ils ne se comptent qu’à environ 90 000 de nos jours.  

Pour remédier à la situation, la Fngpc souhaite plusieurs mesures : la mise en place de l’interprofession de la filière coton, la création d’un fonds soutien à la filière, la nomination d’un Directeur opérationnel entouré de plusieurs techniciens par l’État togolais de la Nsct, la correction du mécanisme de vente et de fixation des prix, la révision du parc d’actionnaires relatif à la société cotonnière.

Le groupe singapourien Olam, actionnaire majoritaire de la Nsct à hauteur de 51% pour un montant de 22 milliards de francs CFA depuis juin 2020, ambitionnait de développer la marque « Coton made in Togo » qui passera par la modernisation de l’outil industriel, la production puis la transformation dans l’optique de bénéficier d’un différentiel de prix/qualité.

Le coton représente la première culture de rente des exploitations agricoles et la première culture industrielle du Togo. Entre 2019 et 2023, la production a chuté de plus de 66 %, passant de 137266 tonnes à 67.000 tonnes (2020-2021), 52 528 tonnes (2021-2022) puis seulement à 46549 tonnes (2022-2023).

Jacques Sourou DOUTI Journaliste, Consultant en communication pour le développement | Directeur de publication de Nzaranews