Bilan et perspectives agricoles et alimentaires 2021-2022 au Sahel et en Afrique de l’Ouest

Des experts du Dispositif régional de Prévention et de Gestion des Crises Alimentaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest (PREGEC) viennent de terminer leur rencontre annuelle à Banjul, capitale de la Gambie. La réunion leur a permis de valider les résultats préliminaires des productions agricoles 2020-2021, de faire l’état de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle et de dégager les perspectives alimentaires 2021-2022 dans les pays du Comité inter-états de lutte contre la sécheresse au sahel (CILSS), de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union économique et monétaire Ouest-africaine (UEMOA).

Decembre 1, 2021 - 10:38
Decembre 1, 2021 - 16:43
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Bilan et perspectives agricoles et alimentaires 2021-2022 au Sahel et en Afrique de l’Ouest
Mettre en place un système de suivi rapproché de la situation alimentaire et nutritionnelle dans les zones inaccessibles

Le changement climatique, marqué par des caprices pluviométriques sévères et un arrêt précoce des pluies dans plusieurs zones des régions précitées a été l’un des principaux points ayant retenu l’attention des experts. La carence hydrologique a affecté les niveaux de rendements des céréales pluviales, globa­lement inférieurs à la moyenne de l’année passée, notamment dans la bande sahélienne.

Selon les experts, la production céréalière totale (maïs, riz, mil, sorgho, fonio et blé) attendue dans les pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest au titre de la campagne agricole 2021/2022 s’établit à 73,3 millions de tonnes. Cette production est en baisse de 1,8% par rapport à l’année dernière. C’est surtout dans les pays du Sahel que les baisses importantes sont enregistrées, soit 12% et 7% respectivement par rapport à la campagne précédente et à la moyenne quinquennale. Les baisses les plus prononcées comparativement à la campagne dernière, sont observées au Niger (-36%), en Mauritanie (-18%), au Burkina Faso (-10%), en Gambie (-8%) et au Tchad (-6%).

Les productions prévisionnelles des cultures du niébé et de voandzou seraient en baisse aussi bien par rapport à l’année dernière qu’à la moyenne quinquennale.

 

Les prix des céréales à la hausse

Le bilan céréalier régional dégagerait un déficit brut d’environ 6 millions de tonnes à cause de la baisse de la production céréalière dans les pays du sahel tout comme plusieurs autre pays de la côte ouest-africaine qui connaissent déjà une baisse de leurs productions. Si bien que la situation des marchés agricoles est caractérisée par la persistance de la tendance haussière des prix en dépit des récoltes en cours dans la région.

Ces hausses de prix comparées à la moyenne quinquennale sont de 30% sur le maïs, 26% sur le mil, 24% sur le sorgho et de 18% pour le riz. Les hausses de prix les plus importantes sont observées en Sierra Leone, au Libéria, au Ghana, au Togo, au Bénin et au Nigéria. D’après les conclusions de la réunion de Banjul, « ces hausses peuvent s’expliquer d’une part par l’inflation économique et les effets de la pandémie de la covid-19 ayant accentué les tracasseries routières avec leurs corollaires sur les coûts du transport, et d’autre part le maintien à des niveaux élevés de prix des denrées alimentaires de grande consommation (maïs, riz, blé, sucre et huile) sur le marché international ».

« Près de 23,7 millions de personnes ont besoin d’assistance actuellement, et ce chiffre pourraient atteindre 33,4 millions pendant la période soudure prochaine (juin-août 2022) si les mesures appropriées ne sont pas mises en œuvre », avertissent les experts du Dispositif régional de Prévention et de Gestion des Crises Alimentaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest (PREGEC).

 

Lire aussi - Afrique de l’Ouest : constat de hausse des produits céréaliers

 

La situation nutritionnelle reste préoccupante dans le Sahel

Les résultats préliminaires des enquêtes nutritionnelles menées cette année 2021 démontrent la persistance, voire l’accroissement des prévalences d’une la malnutrition aiguë. Ainsi, en Mauritanie, au Niger et au Tchad, des taux de malnutrition aigüe supérieurs au seuil d’alerte de 10% ont été observés. Par ailleurs, dans de nombreuses zones de certains pays (Nord/Centre Burkina Faso, Centre/Nord Mali, Sud Mauritanie, Ouest Niger, et Est/Ouest Tchad), les taux excèdent le seuil d’urgence de 15%. Cette situation est due à la superposition de plusieurs causes, notamment la persistance de l’insécurité civile, la perturbation et à la fragilisation des services sociaux de base (santé, protection sociale, eau, hygiène et assainissement, éducation, services nutritionnels), les effets encore vivaces de la pandémie de covid-19 sur la situation socio-économique des ménages. Dans le Centre-Sahel et le Bassin du Lac Tchad où l’insécurité civile persiste, les déplacements de populations et la limitation de l’accès aux services sociaux de base continuent d’aggraver la situation nutritionnelle des femmes et des enfants, pendant l’accès humanitaire se restreint.

 

Les recommandations du PREGEC

Les experts du mécanisme régional des systèmes d'information sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle recommandent aux Etats concernés d’anticiper la formulation des plans de réponses, et diligenter leur mise en œuvre, notamment en faveur des populations en insécurité alimentaire et nutritionnelle dans les pays concernés. Les membres du PREGEC demandent également aux gouvernements de maintenir et renforcer la veille informationnelle sur les marchés afin de mieux anticiper et maîtriser les hausses atypiques de prix.

Il est également question de renforcer les capacités de résilience des femmes et des jeunes à travers le soutien à des activités innovantes et génératrices de revenus. De même, il faudra accentuer les orientations stratégiques, les politiques et les partenariats sur les systèmes alimentaires, en améliorant l’accès à une alimentation adaptée aux besoins des plus vulnérables (enfants, adolescents et femmes enceintes et allaitantes).

Le renforcement de la diversification des pratiques agricoles, à travers l’adoption de techniques de gestion de l’eau, et la promotion de l’irrigation pour compenser les baisses de production dans les zones déficitaires fait partie des recommandations du PREGEC aux Etats.

 

Les institutions régionales mises à contribution

Le CILSS peut former et accompagner les pays dans l’utilisation d’outils agro-météorologiques de suivi des cultures et d’estimation des rendements, renforcer les capacités des services nationaux de protection des végétaux pour la collecte des données, la surveillance et la lutte phytosanitaires (en particulier sur la Chenille légionnaire). Les experts réunis à Banjul estiment que le CILSS devra mettre en place un système de suivi rapproché de la situation alimentaire et nutritionnelle dans les zones inaccessibles ou d’accès limité pour mieux informer les décideurs.

Les experts du PREGEC souhaitent que la CEDEAO et l’UEMOA renforcent les mécanismes d’assistance aux Etats à travers la mobilisation de la réserve régionale de sécurité alimentaire, y compris les besoins d’approvisionnement en aliments bétail. Elles devront aussi soutenir les efforts des Etats membres dans la mise en œuvre des plans nationaux de réponses en faveur des populations vulnérables, et veiller à la mise en œuvre du règlement communautaire relatif à la libre circulation des biens et des personnes en vue de limiter les effets néfastes des tracasseries routières sur les coûts des transports.

Jacques Sourou DOUTI Journaliste, Consultant en communication pour le développement | Directeur de publication de Nzaranews